Trouver la bonne formule bien-être
La fin de la castration à vif ou celle de l’écrasement des poussins mâles font régulièrement les gros titres dans la presse grand public. L’alimentation animale n’est pas en première ligne mais elle répond au bien-être animal.
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La fin de la castration à vif des porcelets au 1er janvier 2022 mobilise la filière porcine. Même si la nutrition animale n’est pas au premier plan, il faut nourrir différemment les porcs non castrés, voire trouver des solutions en formulation, avec certains additifs par exemple, pour tempérer leur capacité à produire des composés odorants (odeur de verrat) qui déclassent leurs carcasses ensuite. Idem pour un autre sujet d’actualité, la fin de l’écrasement des poussins mâles des filières de ponte. Si l’ovosexage se met en place pour réduire le nombre de mâles à l’éclosion, il existe aussi des filières d’élevage des « frères » de poules pondeuses qui émergent. Dans de nouvelles pratiques telles que l’éclosion des poussins dans les bâtiments d’élevage (et non plus dans des couvoirs), l’alimentation fait naturellement partie du processus pour leur adaptation précoce à leur milieu de vie.
La R&D s’adapte à ces situations comme elle sait nourrir les élevages plein air ou en claustration, bio ou conventionnel. C’est même ce qu’elle revendique, expliquaient les présidents des syndicats professionnels lors des rencontres de la nutrition animale, le 14 octobre dernier.
Des solutions déjà bien rodées
« La nutrition animale couvre les besoins physiologiques des animaux, c’est-à-dire leurs besoins d’entretien, de croissance, voire de gestion et de lactation. C’est le socle de l’alimentation animale. Depuis plusieurs années sont apparues de nouvelles formes d’alimentation pour apporter par exemple du confort digestif. La notion de fibres digestibles assure des gains sur la croissance alors que les fibres indigestibles interviennent sur le péristaltisme pour améliorer le transit », résume Chantal Davoust, responsable lapin chez Wisium, qui a mis en place un nouveau mode d’élevage au sol avec jardin d’hiver (lire encadré). Les matières premières apportent en elles-mêmes des solutions comme les fibres de luzerne ou de betterave, qui réduisent l’acidose des ruminants voire des chevaux. « Les truies en gestation doivent être rationnées pour éviter les problèmes de santé à la mise bas. Les fibres servent alors à assurer leur satiété mécanique », complète Aurélie Warin, éthologue et directrice du bureau d’études Bankiva. La nutrition animale répond aussi aux demandes plus spécifiques comme la gestion des maux de pattes avec des additifs nutritionnels apportant un complément de vitamines et d’oligoéléments favorisant la pousse des phanères ou leur solidité comme la biotine.
Elle enrichit les habitats en favorisant l’expression des comportements, avec les blocs à ronger à base de fourrage pour leurs fibres chez le lapin mais aussi le porc (pour réduire le comportement de codophagie à l’heure de l’arrêt du coupage des queues), ou des blocs minéraux pour réduire le piquage chez les volailles, qui expriment leur comportement non plus sur leurs congénères mais sur leur environnement.
Un théma qui présente 19 initiatives
À l’occasion du Space 2021 qui mettait en avant le bien-être animal, La Coopération agricole a lancé son théma qui présente 19 initiatives de coops dans ce domaine. « Le fabricant d’aliments contribue déjà au bien-être animal par sa formulation », expliquait Jean-Laurent Tusk, de Soal, membre du CSNA (Conseil scientifique de la nutrition animale), lors de la conférence « Alimentation animale, le bien-être animal commence dès l’auge » organisée par LCA NA pour le lancement du théma.
Il illustrait cette notion avec l’ajustement de l’apport protéique, impératif car tout excès induit des troubles digestifs, d’où l’intérêt d’utiliser des acides aminés de synthèse. Idem pour les enzymes : « Les enzymes protéolytiques permettent de réduire les fractions indigestibles et donc les problèmes de litières, de réduire les émissions d’ammoniac et d’augmenter ainsi à la fois le confort des pattes et l’atmosphère de l’élevage », détaille le spécialiste. Il cite aussi les probiotiques pour lutter contre les bactéries néfastes dans le système digestif ou bien encore la gestion du stress thermique grâce à des solutions nutritionnelles, que ce soit la bétaïne pour son rôle osmorégulateur ou le carbonate pour son effet tampon. « L’été, nous modifions également la source d’énergie en préférant l’huile à l’amidon, explique-t-il. Le fabricant d’aliments a à sa disposition ses propres compétences de formulations et celles d’innovation de ses fournisseurs. »
Il est par exemple possible de mobiliser l’effet mémoire pour inciter les animaux à maintenir leur consommation en période de stress, ce qui réduit les risques de maladie, selon Daniel Lhuillier, vétérinaire et expert en nutrition chez Kaesler (ex-Lohmann Animal Nutrition). Il utilise un arôme dans l’aliment pendant toute la croissance de l’animal, voire, chez les mammifères, il s’appuie sur l’imprégnation transplacentaire. De petites molécules aromatiques naturelles passent en effet à travers le placenta, même si les plus grosses sont bloquées. Le jeune va ensuite rechercher cette « zone de confort aromatique ». Des essais sur des porcelets et des veaux ont montré l’intérêt de cette pratique.
Les éleveurs témoignent par ailleurs de différence de comportements des animaux, selon la granulation des aliments. « L’interaction existe entre la composition de l’aliment, sa présentation comme sa dureté et sa granulométrie, et le comportement des animaux. La prévention du piquage passe aussi par là », confirme Jean-Laurent Tusk. « Les éleveurs sont aussi des acteurs dans leurs pratiques. Par exemple, la chèvre doit manger le foin au-dessus de sa tête et non au sol », ajoute Aurélie Warin.
Communication et engagements
Les entreprises communiquent de plus en plus sur leurs pratiques. Ainsi, Terrena a profité du Space pour publier sur son site internet « Le bien-être animal dans le projet Terrena ». Son ambition est de garantir son respect en développant des filières d’élevage référentes, avec pour objectif d’atteindre le niveau 2 du classement BBFAW à l’horizon 2023. Elle a aussi pris des engagements pour que 100 % de ses poulets La Nouvelle Agriculture soient conformes aux Better Chicken Commitment pour 2024. Ses producteurs de volailles ont déjà supprimé le débecquage (coupe du bec) et le dégriffage des poulets de chair et des dindes. Ses producteurs de porcs ont mis fin à la castration des porcelets depuis janvier 2021. « Les stratégies alimentaires aident l’animal à s’adapter à son environnement », résume la coop.
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